- Accueil
- Réglementations et normes
- Cloud Act américain : impacts et stratégies de protection
Cloud Act américain : impacts et stratégies de protection
Réglementations et normes • 17 septembre 2025
Depuis 2018, le Cloud Act américain suscite de nombreuses inquiétudes en Europe. Cette loi permet aux autorités judiciaires des États-Unis d’exiger l’accès à des données détenues par des fournisseurs soumis au droit américain, même lorsque ces données sont stockées sur des serveurs en Europe. Or, cette situation soulève une question centrale : comment concilier cette réglementation extraterritoriale avec le RGPD et protéger les données stratégiques de l’entreprise ? Découvrez notre guide complet pour comprendre le Cloud Act américain, et contrer ses risques en entreprise.
Qu'est-ce que le Cloud Act ?
Cloud Act : définition
Adopté en mars 2018, le Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act (Cloud Act)1 est une loi fédérale américaine qui vise à clarifier les conditions dans lesquelles les autorités américaines peuvent exiger l’accès à des données électroniques détenues par des prestataires de services numériques.
Son adoption a été accélérée par l’affaire Microsoft Ireland. Dans ce dossier, la justice américaine réclamait à Microsoft la remise d’emails liés à une enquête criminelle. Problème : ces données étaient stockées sur un serveur situé à Dublin, en Irlande. Microsoft avait alors refusé, en soutenant que la législation américaine ne pouvait pas s’appliquer en dehors du territoire des États-Unis. Le Cloud Act a précisément été conçu pour lever cette ambiguïté.
Depuis son entrée en vigueur, tout fournisseur de services soumis au droit américain (qu’il s’agisse de Microsoft, Amazon Web Services, Google, Apple ou toute autre société basée aux États-Unis), doit fournir les données demandées par mandat ou injonction d’un juge américain, même si celles-ci sont stockées à l’étranger.
Autrement dit, pour les entreprises européennes, héberger des données sensibles dans un cloud opéré par un acteur américain revient à accepter la possibilité qu’elles soient transmises aux autorités des États-Unis, indépendamment de leur localisation physique.
Quelle est la différence entre le Cloud Act et le Patriot Act ?
Le Patriot Act2, adopté en 2001 dans le contexte des attentats du 11 septembre, avait pour objectif de renforcer les moyens de lutte contre le terrorisme. Il autorisait notamment les agences de renseignement et les autorités judiciaires américaines à obtenir des données détenues par des entreprises ou des particuliers, mais dans une logique essentiellement centrée sur le territoire national. Les données concernées devaient donc, dans la grande majorité des cas, être stockées ou circuler aux États-Unis.
Le Cloud Act marque un tournant extraterritorial : les autorités américaines disposent désormais d’un droit d’accès mondial, quelle que soit la localisation des données.
Pour les entreprises européennes, la nuance est déterminante : là où le Patriot Act restait limité par la localisation, le Cloud Act fait primer l’origine juridique du fournisseur, générant une insécurité beaucoup plus large.
Cloud Act et RGPD : un conflit juridique majeur
Pourquoi le Cloud Act est incompatible avec le RGPD ?
Le RGPD repose sur un principe fort : la protection des données personnelles des citoyens européens. Tout transfert hors de l’Union européenne doit respecter des garanties précises (clauses contractuelles types, décision d’adéquation…).
Or, le Cloud Act entre en contradiction directe avec ce principe. L’article 48 du RGPD3 stipule en effet que les autorités d’un pays tiers ne peuvent obtenir des données qu’à travers des accords internationaux ou des mécanismes de coopération judiciaire. Avec le Cloud Act, les autorités américaines contournent cette règle et imposent un accès extraterritorial. Ce conflit est d’autant plus sensible que de nouvelles réglementations européennes comme la directive NIS2 ou le Data Act imposent aux entreprises une maîtrise accrue de leurs flux de données et de leurs prestataires cloud.
Pour une entreprise européenne, l’incompatibilité entre le règlement européen sur la protection des données personnelles et l’extraterritorialité du Cloud Act entraîne donc un double risque : des sanctions possibles de la CNIL pour non-conformité au RGPD, et une perte de maîtrise sur des données sensibles.
Intéressé·e par le sujet ?
Découvrez l’ensemble des obligations cyber à respecter en entreprise.
Cloud Act et RGPD : positions officielles et jurisprudences récentes
En 2020, l’arrêt Schrems II de la Cour de justice de l’Union Européenne a invalidé le Privacy Shield, accord qui encadrait les transferts de données vers les États-Unis. La Cour a estimé que la législation américaine ne garantissait pas un niveau de protection équivalent à celui de l’UE, notamment à cause du Cloud Act.
Depuis, la CNIL et le Comité européen de la protection des données (EDPB) rappellent régulièrement que le recours à des fournisseurs soumis au droit américain doit être strictement encadré.4 L’ANSSI recommande également de privilégier des solutions souveraines, certifiées SecNumCloud, afin de réduire l’exposition à ce risque juridique.
Les risques du Cloud Act pour les entreprises européennes
Cloud Act et espionnage industriel : un risque pour les données sensibles
Les risques du Cloud Act pour les entreprises européennes ne se limitent malheureusement pas à la conformité.
Pour une entreprise, le Cloud Act peut représenter un levier d’espionnage industriel. Des données stratégiques comme des résultats de recherche, des brevets, des négociations ou des projets confidentiels peuvent être accessibles aux autorités américaines. Rien ne garantit que ces informations ne soient pas exploitées indirectement par des acteurs économiques concurrents.
Cloud Act : des risques opérationnels, juridiques et réputationnels
Le Cloud Act fait peser sur les entreprises européennes trois catégories de risques interdépendants.
- Sur le plan opérationnel, l’accès potentiel des autorités américaines aux données hébergées chez des prestataires soumis au droit US fragilise les secteurs les plus stratégiques : santé, finance, énergie, défense, infrastructures critiques. Une compromission ou une divulgation de données sensibles peut désorganiser des services entiers et ralentir la continuité des activités.
- Sur le plan juridique, le recours à des fournisseurs concernés par le Cloud Act expose l’entreprise à un risque direct de non-conformité au RGPD. Comme évoqué précédemment, une telle situation peut entraîner des sanctions financières importantes infligées par la CNIL ou par d’autres autorités européennes de protection des données.
- Sur le plan réputationnel enfin, la perception par les clients et partenaires compte autant que les obligations réglementaires. Le simple soupçon que des données confidentielles puissent être accessibles à des tiers peut nuire durablement à la relation de confiance, avec des répercussions sur l’image de marque, la fidélisation et, à terme, la compétitivité sur le marché.
Comment se protéger du Cloud Act ?
Choisir des fournisseurs hors juridiction américaine
La première barrière contre le Cloud Act consiste à réduire le risque à la source. En choisissant des hébergeurs et prestataires exclusivement soumis au droit européen (non soumis au Cloud Act), l’entreprise limite la possibilité qu’une injonction américaine soit légalement applicable.
Les certifications ANSSI et autres labels de confiance comme SecNumCloud apportent des garanties de conformité et de sécurité renforcées. Ils assurent que l’opérateur est localisé en Europe, et qu’il répond aux exigences de l’UE en matière de résilience, de transparence et de traçabilité.
Plusieurs acteurs se positionnent sur ce créneau, à l’image d’OVHcloud ou 3DS Outscale, qui ne relèvent pas de juridictions extra-européennes et offrent une alternative crédible face aux hyperscalers américains.
Renforcer la souveraineté numérique
Si le choix d’un fournisseur non soumis au droit américain constitue une première étape, il ne suffit pas toujours à garantir une protection totale.
La souveraineté numérique exige que toute la chaîne (infrastructures, exploitation et gouvernance) reste sous contrôle européen. Autrement dit, pour garantir une véritable indépendance, il faut s’assurer que ni la localisation des serveurs ni la nationalité juridique des opérateurs n’ouvrent la porte à des obligations extraterritoriales comme le Cloud Act.
C’est tout l’enjeu du "Cloud de confiance", défendu par le gouvernement français, qui impose une gouvernance européenne intégrale : propriété des infrastructures, exploitation opérationnelle et gestion juridique sans dépendance vis-à-vis d’actionnaires étrangers.
Cette approche, plus exigeante que le simple critère de localisation, permet aux organisations de protéger leurs données stratégiques contre toute contrainte légale étrangère.
Mettre en place un chiffrement robuste et un contrôle interne des clefs
Même avec un fournisseur européen, le risque ne disparaît pas totalement : une faille contractuelle ou une dépendance technologique peut exposer certaines données. C’est pourquoi le chiffrement constitue un garde-fou indispensable.
Cependant, le chiffrement seul ne suffit pas : si les clefs sont détenues par le fournisseur de cloud, celui-ci pourra être contraint de les transmettre aux autorités américaines en cas d’injonction.
La véritable protection réside dans le contrôle exclusif des clefs par l’entreprise. L’usage de HSM (Hardware Security Modules) internes, ou confiés à un tiers de confiance européen, empêche tout accès direct par le prestataire.
Ainsi, même si un fournisseur soumis au Cloud Act devait être contraint de livrer des données, il ne pourrait en fournir qu’une version chiffrée et donc inexploitable.
Segmenter et isoler les environnements critiques
Le chiffrement limite l’exploitation des données. Toutefois, sans une architecture interne résiliente, ses bénéfices restent partiels. Le Cloud Act agit en effet comme une contrainte juridique dont l’impact peut être amplifié si les environnements informatiques ne sont pas cloisonnés.
La segmentation réseau (VLAN, NAC) et une approche Zero Trust permettent justement de cloisonner les environnements sensibles, réduisant ainsi la propagation d’une cyberattaque et l’impact d’une éventuelle injonction.
La même logique s’applique aux identités et aux accès. Une politique IAM robuste, associée au principe du moindre privilège, garantit que chaque utilisateur ne dispose que des droits nécessaires à son rôle.
Pour aller plus loin, une solution souveraine et certifiée par l’ANSSI comme LockPass apporte un contrôle granulaire sur les comptes sensibles : accès nominatifs, secrets centralisés, privilèges temporisés et tracés. Le tout dans un outil 100% français, non-soumis au Cloud Act !
Cette maîtrise réduit considérablement l’impact d’un accès imposé par le Cloud Act : même si des données devaient être transmises, l’exfiltration resterait limitée à un périmètre réduit et maîtrisé.
Assurer un pilotage de la sécurité continu
Même avec un chiffrement robuste et une segmentation avancée, aucun dispositif n’est infaillible. C’est pourquoi les organisations doivent se doter d’une capacité de réaction et de supervision en continu.
La mise en place d’un SOC (Security Operations Center) permet de détecter rapidement toute tentative d’accès suspect ou toute anomalie de flux. Cela offre la capacité de réagir en temps réel, par exemple en coupant un accès ou en déclenchant une alerte juridique.
Par ailleurs, l’intégration de clauses contractuelles spécifiques dans les accords avec les prestataires peut constituer une barrière supplémentaire (par exemple, une interdiction explicite de se soumettre à une injonction extraterritoriale sans en informer le client).
Ces clauses n’ont pas toujours une portée juridique absolue face aux lois américaines, mais elles permettent à l’entreprise d’affirmer sa position et de disposer d’un levier en cas de litige.
Mettre en place une gouvernance durable des données
La meilleure protection contre les effets du Cloud Act repose sur une gouvernance claire des données. La première étape consiste à cartographier et classifier les informations sensibles, afin de savoir précisément où elles se trouvent et quel niveau de protection leur appliquer.
Sur cette base, la souveraineté numérique peut être intégrée à la stratégie SI : chaque choix technologique ou contractuel doit être évalué en fonction de son impact sur la maîtrise des données, mais aussi en tenant compte des impératifs de performance et de coût.
Cette démarche doit rester vivante. Le suivi des évolutions réglementaires, comme le Data Act ou la directive NIS2, permet d’ajuster en continu la politique de protection pour rester conforme aux standards européens.
Enfin, le rôle des DSI et RSSI est central : ce sont eux qui traduisent ces orientations stratégiques en politiques opérationnelles concrètes, en arbitrant entre exigences métiers, contraintes réglementaires et objectifs de sécurité !
_____
Sources :
1 https://www.eurojust.europa.eu/publication/cloud-act
2 https://www.senat.fr/lc/lc263/lc263.pdf
3 https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees/chapitre5#Article48
4 https://www.cnil.fr/fr/les-outils-de-la-conformite/transferer-des-donnees-hors-de-lue
À lire aussi
Articles recommandés pour booster votre cybersécurité

Réglementations et normes
RGPD en entreprise : Comment se conformer au règlement ?

Transferts sécurisés
Chiffrement de bout en bout : avantages et cas d’usage

Réglementations et normes
Hébergement des données de santé : tout ce qu’il faut savoir
Découvrez LockSelf
La solution cyber adaptée à vos équipes métiers
Accédez à l'ensemble des fonctionnalités de la suite LockSelf pendant 14 jours, gratuitement.
LockSelf
Sommaire
Cloud Act américain : impacts et stratégies de protection